samedi 8 juin 2013

En donnant... Paul Claudel, Jeanne d'Arc au bûcher

[ndvi : C’était en juin 1989. Un souvenir musical qui reste gravé dans mon vieux cerveau de piaf. Jeanne était Marthe Keller, Dominique était George Wilson, Rouen était la Basilique de Saint-Denis, Seiji Ozawa animait, Claudel et Honegger régnaient. Un instant de grâce.]

SCÈNE III
LES VOIX DE LA TERRE

FRÈRE DOMINIQUE, lisant :
Jeanne           Jeanne                 Jeanne
Hérétique     Sorcière                Relapse
Ennemie de Dieu — Ennemie du Roi — Ennemie du Peuple. Qu'on l'enlève ! — qu'on la tue ! — qu'on la brûle !
JEANNE. — Hérétique — Sorcière — Relapse — Frère Dominique !
Tout cela, c'est Jeanne d'Arc ?
Est-ce vrai ? Est-ce moi qui suis tout cela ?
LE CHŒUR, en bas, mezzovoce. — Hérétique — Sorcière — Relapse
JEANNE. — Eh quoi ! ces prêtres que je vénérais — ce pauvre peuple que j'aimais,
Leur Jeanne — leur pauvre enfant avec eux — c'est vrai qu'ils veulent la brûler ? C'est vrai qu'ils veulent me brûler vive ?
LE CHŒUR. — Assez ! assez ! assez !
Hérétique — Sorcière — Relapse
FRÈRE DOMINIQUE. — Tu as entendu les voix du Ciel et maintenant écoute en bas ce qu'ils ont fait — écoute ce qu'ils en ont retenu.
Écoute les voix de la terre !
BASSE PROFONDE, à la Bach. — Mulier spiritum pythonis habens, anima quae declinaverit ad magos et ariolos et fornicata fuerit cum eis...
LE CHŒUR, violemment. — Joanna !
BASSE PROFONDE, de même. — Ponam — ponam — ponam faciem meam contra eam et interficiam eam de medio populi mei !
LE CHŒUR, violemment. — Lex est !
UNE AUTRE VOIX, impérieuse. — Joanna !
LE CHŒUR. — Hic hic hic hic est Joanna.
Hic hæc hoc
hic hæc hoc
Hic est Joanna peccatrix !
LA VOIX. — Stryga !
LE CHŒUR. — Pereat !
LA VOIX. — Haeretica !
LE CHŒUR. — Pereat !
LA VOIX. — Relapsa !
LE CHŒUR. — Pereat !
LA VOIX. — Malis artibus addicta inimica rosis et populi !
LE CHŒUR. — Morte moriatur !
LA VOIX. — Prostibulum inferni ! instrumentum Satanae !
LE CHŒUR. — Comburatur igne !
JEANNE. — C'est vrai ! C'est vrai ! Je me souviens ! Le feu qui brûle ! cette fumée qui étouffe ! Oh comme cela fait mal !
Prêtres ! prêtres de Jésus-Christ !
C'est vrai que je faisais tant de mal ? c'est vrai que vous la détestiez tellement, votre pauvre Jeanne ?
LE CHŒUR, sourdement. — Pereat !
DOMINIQUE. — Non, Jeanne, ce ne sont pas des prêtres qui t'ont jugée. Quand ces bêtes féroces se sont réunies autour de toi, la rage au cœur et l'écume aux crocs, ces prêtres, ces politiques,
L'Ange du Jugement qui tient les hautes balances
D'un soufflet 
il a fait tomber de leurs têtes et de leurs épaules la mitre, le capuchon et le froc.
(Entrent les Juges en botte dans un coin).
Les voici dépouillés comme des forçats ! Qu’ils reçoivent la coiffure qui leur est appropriée !
Il faut que Jeanne 
comme jadis ses sœurs
 
sur l'arène de Rome
Soit livrée aux bêtes ! L'élue de Dieu, la sainte de Dieu,
Ce ne sont pas des prêtres, ce ne sont pas des hommes, ce sont des bêtes qui vont la juger.

[…]
SCÈNE IX
L'ÉPÉE DE JEANNE
Le jour se lève.

MARGUERITE, dans le Ciel. — Spira — spera — spira — spera — spira — spera !
JEANNE. — J'entends Marguerite dans le Ciel mélangée à l'exhalation des rossignols et les douces petites étoiles à la voix de cette active sœur sacristine 
s'éteignant l'une après l'autre.
FRÈRE DOMINIQUE. — Les pages de nuit, de sang, d'outremer et de pourpre 
se sont effeuillées
sous mes doigts
 
et il ne reste plus sur le parchemin virginal
 
qu'une initiale dorée.
JEANNE. — Que c'est beau 
cette Normandie toute rouge et rose,
 
toute rouge
 
de bonheur,
 
toute rose d'innocence,
 
qui se prépare
 
à faire avec moi la sainte communion dans l'étincelante rosée ! Que c'est beau pour Jeanne la Pucelle de monter au Ciel au mois de mai.
Que tu es belle, ô ma belle Normandie, mais que dirais-tu, frère Dominique, si, Marguerite et moi, nous pouvions t'expliquer notre Lorraine.
FRÈRE DOMINIQUE. — Parle, Jeanne, car je sais qu'il y a des choses qu'une petite fille peut m'expliquer, moi, qui, ceint de fer et de cuir et les yeux fermés, ai marché de bonne heure dans les sentiers de la pénitence.
JEANNE. — Et que puis-je t'expliquer, quand il y a encore au Ciel une douzaine d'étoiles au moins qui en savent plus que moi ?
FRÈRE DOMINIQUE. — Explique-moi ton épée ! Est-ce vrai que tu as trouvé ton épée, cette terrible épée devant laquelle se sauvaient Anglais et Bourguignons, dans une chapelle en ruines ?
JEANNE. — Non, ce n'est pas une chapelle en ruines !
C'est à Domrémy qu'on me l'a donnée. Ma bannière dans la main gauche, mon épée dans la main droite, ah ! qui m'aurait résisté ? Jhésus Marie ! Jhésus Marie !
MARGUERITE, dans le Ciel. — Jhésus Marie ! Jhésus Marie ! Jhésus Marie !
Levée progressive de la musique.
LES VOIX. — Jeanne ! Jeanne ! Jeanne ! Fille de Dieu, va ! va ! va !
JEANNE. — Je vais ! Je vais ! J'irai ! Je suis allée !
FRÈRE DOMINIQUE. — À qui est-ce que tu parles ainsi ?
JEANNE. — Es-tu sourd ?
N'entends-tu pas les voix qui disent : Jeanne ! Jeanne ! Jeanne ! Fille de Dieu, va ! va ! va !
Ah ! ce n'est plus sorcière
maintenant qu'elles disent, c'est mon petit nom de chrétienne, celui que j'ai reçu au baptême, Jeanne !
Ce n'est plus hérétique et relapse 
et je ne sais quoi, et tous ces vilains noms.
C'est fille de Dieu ! C'et beau d'être la fille de Dieu ! Et ce n'est pas seulement Catherine et Marguerite, c'est tout le peuple ensemble des vivants et des morts qui dit fille de Dieu !
Jeanne ! Jeanne ! Fille de Dieu (vavava) va ! va ! va ! Fille de Dieu ! Bien sûr que j'irai !
LES VOIX, tendrement et s'affaiblissant. — Jeanne ! Jeanne ! Jeanne ! Fille de Dieu !
FRÈRE DOMINIQUE. — Mais tu ne m'as pas expliqué l'épée !
JEANNE. — Mais pour que tu comprennes l'épée, frère tondu, il faudrait que tu sois une petite fille Lorraine ! Je peux pas faire de toi une petite fille Lorraine ! Je ne peux pas te prendre la main, prendre la main et t'amener avec nous pour chanter Trimazô avec Aubin et Rufine !
VOIX D'ENFANT, au dehors. — Trimazô !
JEANNE. — Écoute ce qu'ils disent !
VOIX D'ENFANT :
En revenant de ces verts champs 
J'avons trouvé les blés si grands
 
Les aubépines fleurissant.
JEANNE. — Écoute ! Écoute !
VOIX D'ENFANT. — Trimazô !
AUTRES VOIX :
Belle dame de céans
En revenant parmi les champs
 
J'avons trouvé les blés si grands
 
Et les avoines à l'avenant
Trimouzettes !
C'est le gentil mois de mai, 
C'est le joli mois de mai !
 
Un petit brin de vot' farine !
 
Un petit œuf de vot' géline,
C'est pas pour boire ni pour manger,
C'est pour avoir un joli cierge
 
Pour lumer la Sainte Vierge.
Trimouzettes !
C'est le gentil mois de mai, 
C'est le joli mois de mai.
JEANNE. — As-tu compris, frère Dominique ? Ah ! moi, il n'y a pas eu besoin de Coupequesne et Tout-mouillé pour me l'expliquer ! C'est le tilleul devant la maison de mon père, comme un grand prédicateur en surplis blanc dans le clair de lune, qui m'a tout expliqué !
FRÈRE DOMINIQUE. — Explique, et moi j'écoute.
JEANNE. — Quand il fait bien froid en hiver et que le froid et la gelée resserrent tout et on dirait que tout est mort et les gens sont morts de froid et il y a de la neige et la glace sur tout comme un drap et comme une cuirasse 
et on croit que tout est mort
 
et que tout est fini.
VOIX, au dehors. — Mais il y a l'espérance qui est la plus forte.
JEANNE. — On croit que tout est fini 
mais alors il y a un rouge-gorge qui se met à chanter.
VOIX. — Fille de Dieu ! (vavava) va ! va ! va !
JEANNE. — Il y a un certain petit mauvais vent venu d'on ne sait où qui se met à souffler ! il y a une certaine petite pluie chaude qui se met à tomber sur vous.
LE CHŒUR. — Il y a toute la forêt qui se met en mouvement !
AUTRE CHŒUR. — Il y a l'espérance qui est la plus forte.
CHŒUR. — Fille de Dieu ! va ! va ! va !
JEANNE. — Et alors le temps de fermer les yeux et de compter jusqu'à trois 
et tout est changé ! Le temps de compter jusqu'à quatre
 
et tout est changé !
Tout est blanc ! tout est rose ! tout est vert !
LE CHŒUR.  Il y a toute la forêt là-bas qui se met en mouvement !
JEANNE.  Celui qui voudrait empêcher les mirabelliers de fleurir il faudrait qu'il soit bien malin ! Celui qui voudrait empêcher les cerisiers de ceriser tellement que tout est plein de belles cerises, 
Mon père dit qu'il faudrait qu'il se lève matin de bonne heure !
 C'est alors que Catherine et Marguerite se mettent à parler.
LE CHŒUR.  Coupequesne — Jean Midi — Malvenu — Toutmouillé — Anatole France —
Ils disent que tu t'es trompée !
JEANNE (clair et triomphal). — Et quand Jeanne au mois de Mai monte sur son cheval de bataille,
 il faudrait qu'il soit bien malin celui qui empêcherait toute la France de partir. Les entends-tu
 ces chaînes de tous les côtés qui éclatent et qui cassent ? Ah ! ces chaînes que j'ai aux mains, elles me font rire ! Je ne les aurai mie toujours ! On a vu ce que Jeanne peut faire avec une épée. La comprends-tu maintenant, cette épée, que Saint Michel m'a donnée ? Cette épée ! Cette claire épée ! Elle ne s'appelle pas la haine, elle s'appelle l'amour !
(Quelques mesures de Trimazô. — Puis Catherine qui dit : « Rouen ! Rouen ! Rouen ! »)
Rouen ! Rouen ! Tu as brûlé Jeanne d'Arc, mais je suis plus forte que toi 
et tu ne m'auras mie toujours !
VOIX EN BAS.  Jean Midi — Coupequesne — Tout-mouillé... Malvenu.
JEANNE. — II y a l'espérance qui est la plus forte !
VOIX. — Fille de Dieu ! va ! va ! va !
JEANNE.  Il y a la foi qui est la plus forte !
LE CHŒUR.  Il y a l'espérance qui est la plus forte ! il y a la joie qui est la plus forte ! il y a l'espérance qui est la plus forte ! Fille de Dieu, va ! va ! va ! il y a la joie, il y a la joie, il y a la joie qui est la plus forte !
MARGUERITE. — Spira — spera — spira — spera — spira — spera.
JEANNE. — Il y a DIEU ! il y a Dieu qui est le plus fort !

SCÈNE X
TRIMAZÔ
Répétition du chant de Trimouzette :

En revenant de ces verts champs 
J'avons trouvé les blés si grands
 
Les aubépines fleurissant.
Belle dame de céans
En revenant parmi les champs
 
J'avons trouvé les blés si grands
 
Et les avoines à l'avenant
Trimouzettes !
C'est le gentil mois de mai, 
C'est le joli mois de mai !
 
Un petit brin de vot' farine !
 
Un petit œuf de vot' géline,
C'est pas pour boire ni pour manger,
C'est pour avoir un joli cierge
 
Pour lumer la Sainte Vierge.
Trimouzettes !
C'est le gentil mois de mai, 
C'est le joli mois de mai.
JEANNE :
Un petit brin de vot' farine ! 
Un petit œuf de vot' géline,
Une petite larme pour Jeanne ! une petite prière pour Jeanne ! une petite pensée pour Jeanne
C'est pas pour boire ni pour manger,
C'est pour avoir un joli cierge
 
Pour lumer la Sainte Vierge,
C'est moi qui vais faire le joli cierge.

SCÈNE XI
JEANNE D'ARC EN FLAMMES

LA VIERGE, au-dessus, sur le pilier de Jeanne. — J'accepte cette flamme pure.
Cependant dès les scènes précédentes la foule lentement s'est rassemblée devant l'échafaud, hommes, femmes et enfants, formant transition avec le Chœur et le Public.
DEMI-CHŒUR, lisant. — C'est écrit 
Jeanne — c'est écrit
 
la sorcière — c'est écrit
hérétique — c'est écrit — sorcière — c'est écrit
 
ennemie de tout le monde
 
c'est écrit — c'est écrit — c'est écrit !
DEMI-CHŒUR. — Jeanne la Sainte ! Jeanne la Vierge ! Jeanne la Pucelle !
DEMI-CHŒUR. — C'est bien fait ! C'est elle qui a fait tout le mal ! C'est bien fait ! De quoi c'est qu'a s'est mêlée ! C'est bien fait ! Sans elle on s'rait tranquille ! C'est bien fait ! C'est bien fait !
DEMI-CHŒUR. — C'est elle qui a battu les Anglais ! C'est elle qui a ramené not' Roi à Rheims !
DEMI-CHŒUR. — C'est elle qui a ramené le roi à Rheims,
Avec le secours du diable.
DEMI-CHŒUR. — Avec le secours de Dieu.
DEMI-CHŒUR. — Qui en cette Jeanne au juste...
DEMI-CHŒUR. — Et si elle est de Dieu ou du diable...
CHŒUR. — Le feu va en décider.
( Tout bas : )
Loué soit notre frère le feu qui est sage, 
fort,
 
vivant,
ardent,
 
acéré,
 
incorruptible.
Loué soit 
notre frère le feu qui est savant à séparer l'âme de la chair, l'âme de la chair et de l'esprit
 
la cendre.
JEANNE. — Eh quoi ! mon peuple ! peuple de France ! Il est vrai ! il est vrai que tu veux me brûler vive.
LE PEUPLE. — Elle se réveille comme d'un rêve...
JEANNE. — Et ce prêtre qui était là tout à l'heure et qui me tenait à lire ce livre où je lisais ?
Il n'est plus là. Il me quitte, il est descendu.
Il n'est plus là et je suis seule.
LA VIERGE, au-dessus d'elle. — Jeanne, Jeanne, tu n'es pas seule.
JEANNE. — J'entends une voix au-dessus de moi qui dit : Jeanne, tu n'es pas seule !
LE PEUPLE. — Jeanne, Jeanne, tu n'es pas seule ! Il y a ce peuple en bas qui te regarde !
JEANNE. — Je ne veux pas mourir !
LE PEUPLE. — Elle dit qu'elle ne veut pas mourir (d'un seul coup).
JEANNE. — J'ai peur !
LE PEUPLE. — Elle dit qu'elle a peur ! Ce n'est qu'une enfant après tout ! ce n'était qu'une pauvre enfant. Elle dit qu'elle a peur.
UN DES PRÊTRES. — Signe donc ! signe ce papier ! avoue, avoue que tu as menti !
JEANNE. — Et comment signerai-je 
lorsque, mes mains sont liées ?
LE PRÊTRE. — On va t'enlever tes chaînes.
JEANNE. — Il y a d'autres chaînes, plus fortes qui me retiennent.
LE PRÊTRE. — Et quelles chaînes plus fortes ?
JEANNE. — Plus fortes que les chaînes de fer, les chaînes, de l'amour ! C'est l'amour qui me lie les mains et qui m'empêche de signer. C'est la vérité qui me lie les mains et qui m'empêche de signer.
Je ne peux pas ! je ne peux pas mentir.
LA VIERGE. — Jeanne, Jeanne, confie-toi donc au feu qui te délivrera.
LE CHŒUR. — Loué soit notre frère le feu qui est pur…
VOIX, saccadées, partant de tous les côtés. — Ardent — Vivant — Pénétrant — Acéré — Invincible — Irrésistible — Incorruptible.
LE CHŒUR. — Loué soit 
notre frère le feu
 
qui en puissant à rendre l'esprit et cendre — cendre — cendre,
 
ce qui est cendre à la terre.
JEANNE. — Mère ! Mère au-dessus de moi ! Ha ! j'ai peur du feu qui fait mal !
LA VIERGE. — Tu dis que tu as peur du feu et déjà tu l'as foulé aux pieds.
JEANNE. — Cette grande flamme, 
cette grande flamme
 
horrible
c'est cela
 
qui va être mon vêtement de noces ?
LA VIERGE. — Mais est-ce que Jeanne n'est pas une grande flamme elle-même ? Ce corps de mort 
est-ce qu'il sera toujours
 
puissant à retenir ma fille Jeanne ?
LE CHŒUR. — Jeanne
au-dessus de Jeanne
 
Flamme au-dessus de la flamme !
Louée soit 
notre sœur la flamme
 
qui est pure —
 forte — vivante — acérée — éloquente — invincible — irrésistible — !
Louée soit 
notre sœur la flamme
 
qui est vivante !
LA VIERGE. — Le Feu 
est-ce qu'il ne faut pas qu’il brûle !
Cette grande flamme 
au milieu de la France,
 
est-ce qu'il ne faut pas,
 
est-ce qu'il ne faut pas
 
qu'elle brûle ?
LE CHŒUR. — Louée soit 
notre sœur Jeanne
 
qui est
 Sainte — Droite — Vivante — Ardente — Éloquente — Dévorante — Invincible — Éblouissante — !
Louée soit 
notre sœur Jeanne
 
qui est debout
 
pour toujours comme une flamme
 
au milieu de la France !
VOIX DANS LE CIEL. — Jeanne ! Jeanne ! Jeanne ! Fille de Dieu ! Viens ! Viens ! Viens ! (tendrement).
JEANNE. — Ce sont ces chaînes encore qui me retiennent !
VOIX. — Il y a la joie qui est la plus forte ! Il y a l'amour qui est le plus fort ! Il y a Dieu qui est le plus fort !
JEANNE. — Je viens ! je viens ! j'ai cassé ! j'ai rompu ! Il y a la joie qui est la plus forte !
Elle rompt ses chaînes.
LE CHŒUR. — La chaîne qui reliait Jeanne à Jeanne ! La chaîne qui reliait l'âme au corps.
JEANNE. — Il y a l'amour qui est le plus fort ! Il y a Dieu qui est le plus fort !
MARGUERITE, dans le Ciel. — Hi ! hi ! hi ! hi ! hi ! hi ! hi !
Diminuendo.
Le Rideau descend.
VOIX DANS LE CIEL. — Personne n'a un plus grand amour, que de donner sa vie pour ceux qu'il aime.
VOIX SUR LA TERRE, comme si elles épelaient une inscription. — Personne — n'a — un plus grand amour que de donner — sa vie — pour ceux qu'il aime.
(Plus bas et solennel comme si elles méditaient le sens : )
Personne n'a un plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'il aime.

FIN.

Paul Claudel, in Jeanne d’Arc au bûcher
Oratorio dramatique,
mis en musique par Arthur Honegger