vendredi 10 juin 2011

En méditant... Pierre-Marie Delfieux, la Pentecôte

Dieu est Esprit
Soudain, au bord du fleuve,
le ciel s'est déchiré (Mc 1, 10).
Alors, planant au-dessus des eaux, comme au premier jour du monde,
l'Esprit est apparu au-dessus du corps dénudé
de ce nouvel Adam nommé Jésus.
Et Jean a vu l'Esprit tel une colombe
descendre du ciel et demeurer sur lui (Jn 1, 32).

Un jour de sabbat, dans la synagogue de Nazareth,
prenant le rouleau du livre d'Isaïe,
Jésus trouva le passage où il est écrit :
L'Esprit du Seigneur est sur moi parce qu'il m'a consacré par l'onction...
Et il dit : C'est aujourd'hui que ce passage de l'Écriture s'accomplit (Le 4, 16-21).

La nuit était tombée sur la ville de Jérusalem.
Maître en Israël, Nicodème interrogeait l'Envoyé du Père.
Et Jésus lui dit : À moins de naître d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer au Royaume de Dieu...
Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l'Esprit est Esprit (Jn 3, 5-6).

C'était environ la sixième heure.
Jésus, fatigué par la route et assoiffé, s'était assis près du puits.
Survint alors une femme, pécheresse, esseulée,
parfaite image de l'humanité en quête d'amour et de vérité.
Alors, le Fils de l'Immaculée,
née par elle, virginalement, sur cette terre,
par la puissance du Saint-Esprit (Lc 1, 35),
le Verbe fait chair, Fils unique de Dieu,
né du Père avant les siècles,
se mit à enseigner et il lui dit :
Dieu est Esprit (Jn 4, 24).

Le dernier jour de la fête des Tentes, le grand jour,
Jésus debout, au milieu du Temple, lança à pleine voix :
Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive celui qui croit en moi !
Selon le mot de l'Écriture,
de son sein couleront des fleuves d'eau vive.
Il parlait de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croient en lui ;
car il n'y avait pas encore d'Esprit
parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié (Jn 7, 37-39).

Quand l'heure fut venue, pour le Père,
de glorifier son Fils afin que son Fils le glorifie (Jn 17, 1),
sachant que tout était achevé désormais, Jésus dit,
pour que l'Écriture s'accomplît : 'J'ai soif ! '...
Et, baissant la tête, il remit son Esprit (Jn 19, 28-30).
Ressuscité, au matin du premier jour de la semaine,
par la puissance du Seigneur qui est Esprit (Rm 8, 4-11 ; 2 Co 3, 17),
Jésus dit à ses disciples, en leur souhaitant la paix :
Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie.
Puis, il souffla sur eux et leur dit :
Recevez l'Esprit Saint ! (Jn 20, 19-22).
Alors, ils se souvinrent de ses paroles :
Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements.
Je prierai le Père, et il vous enverra un autre Défenseur
pour être avec vous à jamais : l'Esprit de Vérité (Jn 14, 16-17).
Ils se souvinrent de ce qu'il leur avait dit :
Si donc, vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants,
combien plus le Père du ciel donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent (Lc 11, 13).

Rentrés en ville, ils montèrent à la chambre haute, où ils se tenaient habituellement...
Tous, d'un même cœur, étaient assidus à la prière,
avec quelques femmes dont Marie, mère de Jésus. ..
Le jour de la Pentecôte étant arrivé,
ils se trouvaient tous ensemble en un même lieu,
quand tout à coup vint du ciel
un bruit tel un violent coup de vent,
qui remplit toute la maison où ils se tenaient.
Ils virent apparaître des langues qu'on eût dites de feu.
Elles se divisèrent, et il s'en posa une sur chacun d'eux.
Tous furent alors remplis de l'Esprit Saint (Ac 1,13-14 ; 2,1-4).

C'est ainsi que le monde apprit
le sens ultime de cette révélation du Christ Jésus
commencée au Jourdain, proclamée à Nazareth,
confiée au puits de Jacob, murmurée dans la nuit de Jérusalem,
lancée à pleine voix dans le Temple, enseignée au Cénacle,
manifestée à la croix et dès le premier matin de la Résurrection (Jn 20, 22) ;
de cette Révélation qui nous dit : DIEU EST ESPRIT.

* * *
Cette relecture rapide de quelques-unes des plus grandes pages de l'Évangile, nous donne une certitude :
un des buts essentiels de l'Incarnation Rédemptrice du Christ
est de nous révéler l'existence, la présence, l'action, la mission
et, pour tout dire : le Mystère de l'Esprit Saint.
« Regarde !
Le Christ naît, l'Esprit le précède.
Il est baptisé, l'Esprit rend témoignage.
Il est tenté, l'Esprit le fait revenir en Galilée.
Il accomplit des miracles, l'Esprit l'accompagne.
Il est élevé au ciel, l'Esprit lui succède ».

Oui, conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie (Lc I, 35),
Jésus nous apparaît d'emblée comme porteur
d'un plus intime à lui-même que lui.
À l'évidence, il n'est pas seul !
Non seulement le Père est avec lui (Jn 16, 32),
mais encore le Saint-Esprit habite en lui (Lc 4, 18).
Celui qui, tour à tour, va faire prier, tressaillir, exulter, prophétiser
Zacharie (Lc 1, 67), Élisabeth (1, 41), Marie (1, 46) et Syméon (2, 28),
ce même Esprit est tout entier présent dans la vie du Christ,
et avec quelle plénitude !

Jésus devient par lui
celui qui baptise dans l'Esprit Saint et le feu (Mt 3, 11),
ce feu qu'il n'a de cesse de répandre sur la terre (Lc 12, 49),
tant brûle en lui, vivant et fort, le zèle de la Maison divine (Jn 2, 17).
Il tressaille de joie sous son action (Lc 10, 21),
en révélant aux tout petits les secrets du Royaume (Mt 11, 25).
Ce Royaume qui est caché au plus intime des cœurs
et se construit, avec la grâce de l'Esprit, dans l'unité des âmes (Jn 17, 21 ; Ph 2, 2).

Troublé jusqu'en son Esprit par la trahison d'un de ses apôtres (ün 13, 21)
et la mort d'un ami (11, 33),
il promet néanmoins aux siens (14, 16),
la venue, la lumière et le soutien de ce même Esprit (14, 26).
Cet Esprit qui procède, et du Père, et de lui (16, 13-15),
afin de les garder dans la paix et l'unité (Jn 14, 27 ; Ep 4, 3)
et de les conduire à la vérité tout entière (Jn 16, 13).

En voyant, ainsi, la vie même de Jésus,
du premier instant de sa conception au dernier moment de son ascension,
à ce point animée et conduite par l'Esprit Saint,
on ne peut que se redire : et nous donc !
On comprend, qu'en écho, un saint Séraphim de Sarov ait pu dire que :
« Le but de la vie chrétienne c'est l'acquisition du Saint-Esprit ».

* * *
Il est bien là, en effet, le but premier et dernier.
Le disciple n'est pas différent de son maître.
Nous aussi, comme Jésus, nous sommes nés par la puissance de l'Esprit.
Non seulement d'un vouloir d'homme, mais de Dieu.
Car, avant d'être engendrés par des hommes, nous sommes tous enfants de Dieu (Rm 8, 14 ; 1 Jn 3, 1).
Comme Jésus, nous avons été baptisés dans l'Esprit ;
et oints comme lui, en étant confirmés.
Comme Jésus, l'Esprit nous pousse,
au désert de cette vie, où nous devons peu à peu
nous dépouiller du vieil homme,
pour y mener le bon combat en faveur de l'homme nouveau.
À nous aussi il est proposé de tressaillir de joie dans l'Esprit Saint,
et de devenir, avec lui, des messagers de la Bonne Nouvelle,
des semeurs de joie et des artisans de paix ;
des témoins de la lumière et des cœurs miséricordieux.
Nous aussi, comme Jésus, nous mourrons,
en remettant notre esprit entre les mains du Père ;
et, par la puissance de ce même Esprit qui est Vie,
nous ressusciterons avec lui pour vivre à jamais près de lui.
Car si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts, demeure en vous,
Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels
par son Esprit qui est en vous (Rm 8, 11).

* * *
Tout est dit sur ce merveilleux mystère,
à partir du moment où Jésus a dit :
DIEU EST ESPRIT.
Il reste toujours insaisissable, invisible, inaudible ;
inaccessible en quelque sorte à nos sens matériels et terrestres.
Mais comme Dieu reste vivant, présent,
agissant au cœur même de nos vies et de l'univers, animant tout, éclairant tout, vivifiant tout,
Il est Esprit !
C'est donc lui qui est notre vie et nous fait agir.
C'est lui qui nous guérit, nous réconforte, nous console.
Il est notre instructeur, notre défenseur, notre guide.
Il est notre Conseil, notre Sagesse, notre Force.
Science et Intelligence, Prière et Amour plein de respect
sont constamment guidés par sa grâce en nos cœurs.
Il nous apaise, nous rassemble, nous réconcilie, nous réjouit.
Il prie en nous (Rm 8, 16).
Il habite en nous (Ga 4, 6).
Il aime en nous (Jn 17, 26).
Il vit en nous (Rm 8, 14 ; Ga 5, 25).
Par lui, nous voici animés d'un souffle divin ;
justifiés et sanctifiés par une grâce inlassablement répandue.
Et, pour tout dire, par lui, nous sommes divinisés.

* * *
Si nous savions le don de Dieu !
Comme nous voici aimés par notre Père et notre Dieu !
Comme nous voici comblés par le Fils Unique,
notre Seigneur et notre Dieu !
Ils nous ont fait, l'un et l'autre, le don du propre amour qui les unit :
le don du Saint-Esprit, notre Lumière et notre Vie.

On ne peut croire au Mystère de l'Esprit Saint présent en l'homme et en ce monde,
que si l'on croit en la grandeur de l'homme et en la valeur du monde.
Car l'homme est habité par l'Esprit divin ; cet Esprit du Seigneur qui remplit l'univers.

Allons donc jusqu'au fond de nous-mêmes :
quelqu'un habite en nous qui nous communique au plus intime la plénitude de sa vie.
Et cette emprise toute puissante, loin de nous asservir,
nous épanouit, nous apaise et nous réjouit.
C'est l'Esprit Saint !

Quelqu'un anime le monde entier
et remplit de sa présence vivifiante,
les choses, les êtres, l'espace, et le temps.
Et cette inhabitation divine, loin d'assujettir l'univers,
en fait un lieu de vie où tout tient dans l'unité et l'harmonie.
C'est le Saint-Esprit !

* * *
Voulons-nous vivre dans l'unité
au sein de nos familles, de nos professions, de nos communautés ?
Invoquons sur elles la grâce de l'Esprit de Paix !
Voulons-nous discerner notre route, éclairer nos décisions,
mieux savoir ce que nous avons à faire, à dire, à taire, à penser ?
Prions l'Esprit de Conseil et de Science !

Pour mieux soutenir notre foi et répondre à nos pourquoi,
demandons l'Esprit de Sagesse et d'Intelligence !
Pour mieux affermir notre vie face aux épreuves et aux adversités,
demandons l'Esprit de Force !
Pour mieux aimer le Seigneur, les autres et le monde,
accueillons les dons de Piété et de Crainte de Dieu !
Il n'y a pas de grand amour sans grand respect
et seule une prière fidèle peut éclairer une route de sainteté.
Et puisque l'Esprit est notre vie, que l'Esprit aussi nous fasse agir ! (Ga 5, 25).

Il nous faut rechercher pourquoi notre Seigneur a donné l'Esprit une première fois sur la terre, et une autre fois depuis le ciel où il règne. D'après l'Écriture, en effet, l'Esprit n'a été communiqué sous une forme visible qu'en deux occasions : au soir de la Résurrection où il est reçu dans le souffle du Christ, et le matin de la Pentecôte lorsqu'il descend du ciel sous la forme de langues de feu.
Pourquoi donc l'Esprit Saint est-il donné d'abord aux disciples sur terre, et ensuite envoyé du ciel, sinon parce que le commandement d'aimer est double, et qu'il porte sur Dieu et sur le prochain ? L'Esprit est donné sur la terre pour qu'on aime le prochain, l'Esprit est donné du ciel pour qu'on aime Dieu.
La solennité présente n'est qu'une ombre de la solennité future : nous ne la fêtons tous les ans que pour arriver à celle qui n'est pas annuelle, mais permanente ; cette fête, célébrée au temps que l'Église lui assigne, ravive en notre mémoire le désir de l'autre. Que le renouvellement des réjouissances dans le temps ranime et enflamme en nos cœurs l'amour des joies de l'éternité, et nous pourrons ainsi goûter dans la patrie, avec la réalité de l'allégresse, ce que nous méditons sur le chemin dans l'ombre de la joie.
Saint Grégoire le Grand


Pierre-Marie Delfieux, in Évangéliques 5 (Saint-Paul)